Anthologie GABAYE ET gavache
Par
Freddy Bossy
(1954-2010)
9 Retour à Cunçheùll
[Version
juillet 2008]
« Gallos ab Aquitanis Garumna flumen dividit. »
Jules César
« A mouments, jhe me demande
ben ce qu’ol est qui compte le mais
peur nous autes ghens de queu
pays gabay. Est-o l’air dau marais, est-o le de galarne,
est-o le sabe nègue, est-o putout
queu p’tit vin bian nouveau...
Jhe crés quand même qu’ol est putout
l’air que jh’avons quasiment tous,
queuques fois chafoins in p’tit
poètes... »
Johel Coutura
« Ol a mouillé, ol a
mouillé,
Ol a tellement mouillé
Qu’ol a nijhé tous les choux.
Ol at-ou mouillé chez
vous ? »
enfant (St-Christoly, 1996)
1.
Plusieurs
mots : Gavache,
gavacherie, gabay, marot
2.
Le Gabay
de l’ouest
2.1.
« Les d’avant nous »
2.1.1.
Moyen âge : Chartrier de Blaye
2.1.2.
Second Empire : Quatrain subversif
2.2.
Les
dictionnaires
2.2.1.
XIXe s. : Jean-Marie Belloumeau, curé de
La Ruscade
2.2.2.
XXe s. : Charles Urgel, curé d’Anglade
2.2.3.
XXIe s. : James Chauveau
2.3.
XXe
siècle
2.3.1.
Emile Bodin
2.3.2.
Alexia Jean-Jousson
2.3.3.
Pierre Siré
2.3.4.
Pierre Bouyé
2.3.5.
Claudine Bastisse
2.4.
XXIe
siècle
2.4.1.
Eric Nowak
2.4.2.
Tony Martin
3.
Le Gabay
du sud et de l’est
3.1.
Lussac
3.2.
Saint-Aulaye
4.
Le Marot
de Monségur
4.1.
L’Enfant prodigue
4.2.
Notre
Père
4.3.
Coure
j’allay vayre ma miye, chanson traditionnelle
4.4.
La
conveursion de la Madeleine, chanson traditionnelle
4.5.
La collecte inédite de Jacques Boisgontier :
4.5.1.
Ethnotextes :
Aco, cou est dou gavache !
4.5.2.
Contes traditionnels
5.
Sources
6.
Gabaye ou gabay ?
(L’orthographe
des textes originaux a été conservée, à l’exception de quelques mécoupures
gênantes et d’évidents lapsus. Sauf exceptions mentionnées, les traductions
sont de F. Bossy.)
Carte :
consulter la carte de la Guyenne dressée par Belleyme de 1761 à 1789 sur ce
site :
http://www.lot-et-garonne.fr/html/archives_Nouveau_site/coups-de-coeur/Belleyme_infos/Belleyme_.htm
On
appelle Gavaches, par convention, les
locuteurs d’oïl en Gironde, et Gavacheries
les régions qu’ils habitent : la Grande
Gavacherie au nord du département, et la Petite dans la vallée du Drot. Leur parler est, globalement, le
saintongeais avec substrat et adstrat occitans plus ou moins marqués.
Premières
attestations du mot gavache, dans l’état actuel des connaissances :
- catalan :
« gavag : jecur avis »
(‘estomac d’oiseau, gésier’) au XIIIe s. ;
- occitan :
gavag (1436, Montagnac), gavach (1468, Cahors), avec le sens
‘étranger’ ;
- français :
guavasche (Rabelais, Tiers Livre, 1546), avec le sens ‘couillon’ ;
‑ poitevin-saintongeais :
« Quioux gavaches / Sont trop
lasches / Pre teni fort » (Rolea,
XIII, v. 82 ; 1646) ;
s’agissant de la victoire sur les Espagnols à Rocroi (1643), gavache a ici le double sens de ‘lâche,
vaurien’, et de ‘sale étranger’.
Première
mention comme sobriquet ethnique des non-occitanophones en Guyenne : Gavach, pluriel gavaches, dans l’Almanach des
Laboureurs, Bordeaux 1778.
Etymologie :
le prélatin *gaua signifie ‘gosier’. Le mot donnera en français ‘joue’,
‘jabot’, ou ‘gaver’. C'est du dérivé *gauakt-
que provient gavache (J. Coromines).
Dans divers idiomes, il s’applique aux goinfres, aux goitreux, etc., ainsi
qu’aux étrangers, aux allophones, donc définis comme ayant des organes
phonateurs différents, un gosier différent – d’où l’invention du schibboleth.
Puis gavache (nom et adjectif), selon
les parlers et encore chez Littré, par extension signifiera ‘couard, vaurien’,
‘mal vêtu, sale’, ‘rustre, brutal’, ‘de mœurs libres’...
Gavacherie
ou gabacherie est
dans Mistral ou le Larousse du XIXe s. Dans l’état actuel des
recherches, la première attestation semble être le toponyme La Gavacherie près de Niort,
signalé en 1616 : « La mestayrie appelée la Gavacherie sise en
Ribray » (Clouzot).
Désignant
la communauté allophone de Guyenne et son territoire, le mot Gavacherie apparaît dans l’Almanach des Laboureurs de 1778 déjà
cité.
Existent
aussi le verbe gavacher, le diminutif
gavachot (Gabachot en toponymie), etc.
Gabay nous est donné en 1863 par le
dictionnaire manuscrit de Belloumeau : « Le gabay est aussi nommé gavay,
gabache et gavache » ;
« On ne dit pas parler gabay,
mais : parler grou,
grossièrement. »
Tourtoulon
et Bringuier donnent « gabaï »
en 1876, repris par Littré.
Gabay est une variante de gabache ; le ‑b- (bilabiale
fricative) est une indication de l’origine occitane du mot.
Enfin, marot,
parfois marotin, désigne le parler
gavache de Monségur.
Le mot
est considéré obscur et mal documenté ; la première attestation semble
être une lettre de L. Dutruch, de Taillecavat, de 1861 : « Ce
langage mixte s’appelle le maro »
(Sté d’Anthropologie de Paris, cf. Sources en bas de page).
La
grammaire de l’abbé Caudéran, de 1861 également, donne certainement la première
mention de marotin.
Il est à
remarquer que, pour les Gavaches du Drot, le mot patois désigne le parler occitan voisin ; « parler
patois » est donc, pour eux, ‘parler occitan’.
« Les d’avan nous : ceux qui ont été
avant nous », écrit l’abbé Belloumeau dans son dictionnaire gabay.
Mais on a
bien peu de documents écrits avant le XIXe siècle et il faut se contenter
de mots ou locutions éparses.
En 1581,
quelques chartes relatives à Blaye, en français et en latin, étaient recopiées
« pour Pierre Moreau » ; ce cahier commence par les lettres de
privilèges et franchises de 1261 et 1274, et se termine par une chronique
historique, « les Adventures et Fortunes advenues au noble royaulme de
France ».
Le
document n° 2, de 1274 ou environ, atteste l’emploi de l’occitan à Blaye
avant cette date :
S’ensuivent aultres previlleges, libertés et franchises par cy
devant données et octroyées aux manans et habitans de ladicte ville et
chastellenie de Blaye, escriptz et designés amplement en certaines lettres
patentes contenant une peau de parchemin, commençant « Cognoguda causa sia », scellées de
cinq sceaulx.
Le
document n° 1, de 1261 (mais dans une copie de 1581, rappelons-le),
présente quelques termes toujours employés en gabay (debas : sous ; la
Palut, la Comtau : marais ; etc.) :
[Privilèges confirmés et
approuvés :]
2° Que tous et chacun les habitans de ladicte chastellenie qui
demeurent ès maisons des esglises parrochialles, qui sont situées et assises au
debas du chemin public par lequel l’on va de la ville de Blaye vers Mirambeau,
du cousté devers la Palut ; aussi tous les habitans des quatre paroisses
qui sont Mazion, Sainct-Pol, Cars et Blassac, pour raison du droict et debvoir
de la Contau, sont quictes envers le sieur de Blaye, pour la tierce partie d’un
boysseau de froment par an ;
9° Que chacun des habitans qui ont accoustumé paier au sieur
de Blaie une gelline, pour raison du droict de la Contau : ceulx qui ont
plus de deux gellines à leurs maisons sont tenuz en paier une audict
sieur ; mais ceulx qui n’en ont que une avec le cobc [sic], et ceulx qui n’en ont poinct, sont quictes et n’en paient
poinct.
[Traduction :
2° Tous les habitants de la
châtellenie de Blaye qui demeurent dans les maisons des églises paroissiales,
situées en bas du chemin public qui va de Blaye à Mirambeau, du côté de la Palus,
ainsi que tous les habitants des quatre paroisses de Mazion, St-Paul, Cars et
Plassac, en raison du doit et devoir de la Comtau, sont quittes envers le sieur
de Blaye pour un tiers de boisseau de froment par an.
9° Quant aux habitants qui paient habituellement une poule au
sieur de Blaye à cause du droit de la Comtau : ceux qui ont plus de deux
poules chez eux sont tenus d’en payer une, mais ceux qui n’en ont qu’une et un
coq, et ceux qui n’en ont pas, sont exonérés et ne paient rien.
Huitième
et dernier document recopié dans ce cahier en 1581, Les Adventures et Fortunes, chronique historique qui relate les
événements survenus localement entre 1451 et 1515. Le notable qui l’a composée
évoque la reconquête de l’Aquitaine par le roi de France sur les Anglais en
1451 et la fin de la guerre de Cent Ans, le siège de Blaye de 1486, la peste de
1501, ou les glaces exceptionnelles de l’hiver 1505 ; il y donne aussi le
cours du blé et du vin, les principale productions.
Ce
document intéresse la région parce qu’il donne un point de vue local sur les
événements, parce que ces événements sont ceux-là même, selon certains
historiens, qui ont permis le flot principal d’immigration gabaye, et parce
qu’on y retrouve certains termes régionaux : le « quarteron » de
vin, les « glas » (glaçons) qui bloquent les ports, les
« anguilles », embarcations de l’estuaire ; ou encore
« tout un » (ensemble), la locution « petit de » (un peu
de), ou les verbes « fouir » (fuir), « amoindrer »
(diminuer, gabay : mendrer),
etc.
Léo Drouyn
Blaye
1865
Chronique de Blaye :
1° En l’an M.IIIIC.L.ung, feust reduict le pays de
Bourdelloys et le duché de Guienne, que tenoyt le feu roy d’Angleterre, et à la
fin proprement dudict an le noble roy Loys [Charles] de Valloys reprint ledict
pays de Bourdelloys à sa main, et despuys ne feust ledict pays de Bourdelloys
angloys ;
6° En l’an mil IIIIC.IIIIXX. feust
grandes gellées et petit de vin ;
7° L’an mil IIIIC.IIIIXX.I., la Toutessainctz
et vandanges tout ung, et valloyt boysseau de froment à Bourdeaux dix-huict et
dix-neuf ardis ;
8° L’an mil IIIIC.IIIIXX.II. et IIIIC.IIIIXX.III.,
entour my année, valut le boysseau de froment à Bourdeaulx quatre francs de
Roy, et l’an IIIIXX.IIII. autant ;
10° En l’an mil IIIIC.IIIIXX.IIII.,
celle demi année amoindra son ire et retourna le bled à quinze solz
tournois ;
12° En l’an mil IIIIC.IIIIXX.VI. et le
premier jour de Caresme, M. le grand mareschal de France et M. de Beaujeu,
qui gouvernoyt le noble roy Charles, mirent le siege devant Blaye que tenoyt le
cappitaine Odet d’Aydie, et le convinct se rendre le sabmedy amprès ensuivant,
pour ce que l’artillerie avoyt abbattu les murailhes de laditte ville ; et
celluy jour le Roy entrast à Bourg et demeura jusques au mercredy ; et
celluy jour s’en alla à Bourdeaulx ; et le bled valloyt quinze sols et le
vin huict deniers le carteron ;
15° En l’an mil VC.I. et II. courut si grand
persecution de la peste par tout le pays de Poytou et de Xainctonge, et aussi
de Bourdelloys, que bien mourut les deux partz du monde, que les gens ne
sçavoyent où fuoyr ne où se mettre ;
17° L’an mil VC. et V., après la feste de la
nativité Nostre-Seigneur, feust si grandes gellées et si grand froyt de neiges
et de gellées qu’il n’y avoyt nulz navires, angilhes ne gabarres qui pussent
aller ne venir par mer, de grande abondance des glatz qui estoyent en la mer,
que tout entour des terres n’estoyt que grand frox [?] de glatz, que cent ou six vingtz ans a que n’y eust si
grandz glatz ne si fortes gellées ; mais la neige garda les bledz de
mourir en terre.
[Traduction :
1° En 1451, le pays de Bordeaux et le duché de Guyenne, que
tenait le roi d’Angleterre, furent reconquis, et à la fin de cette année le roi
Charles de Valois reprit en son pouvoir le pays bordelais, et il ne fut plus
jamais anglais par la suite ;
6° En l’an 1480, il y eut de grandes gelées et peu de
vin ;
7° En 1481, Toussaint et vendanges ensemble, et le boisseau de
blé valait 18 à 19 liards à Bordeaux ;
8° En 1482 et 1483, vers le milieu de l’année, le boisseau de
blé valut quatre « francs de Roi » à Bordeaux, et autant en
1484 ;
10° En 1484, « l’année diminua sa colère » et le blé
retourna à 15 sous tournois ;
12° En 1486, le premier jour de Carême, le grand Maréchal de
France et M. de Beaujeu, gouverneur du roi Charles [VIII], mirent le siège
devant Blaye, tenu par le capitaine Odet d’Aydie ; et ils le
contraignirent à se rendre le samedi suivant, l’artillerie ayant abattu les
murailles de la ville ; ce jour-là, le Roi entra à Bourg où il demeura
jusqu’au mercredi suivant, jour où il partit à Bordeaux. Le blé valait 15 sous
et le vin 8 deniers le quarteron ;
15° En 1501 et 1502, il y eut un tel fléau de peste par tout
le Poitou, la Saintonge et le Bordelais, que les « deux parts » de la
population mourut, et que les gens ne savaient plus où fuir ni où
s’abriter ;
17° En 1505, après Noël, il y eut de si grandes gelées et un
si grand froid qu’aucun navire, « anguille » ou gabarre ne pouvait
aller ou venir, à cause de la grande quantité de glaçons qui étaient en mer, et
parce que les terres étaient prises dans les glaces ; il y avait cent ou
cent vingt ans qu’on n’avait eu autant de glace et de gel ; mais la neige
empêcha les blés de mourir en terre.
Ce
chartrier a été transcrit par Léo Drouyn et publié au tome 12 des Archives historiques de la Gironde.
On oublie
trop souvent que les langues régionales, ou le français populaire, ont servi à
véhiculer les idées, à commenter l’actualité, à exprimer la rébellion jusque
dans les cours d’école ; « J’emmancherons des dails ! »,
nous emmancherons des faux (à l’envers) : telle est la menace, bien
réelle, d’une chanson recueillie par l’abbé Belloumeau (cf. 2.2.1).
Les quatre vers qui suivent en sont un exemple ; ils évoquent la « révolution de 1868 », née à Chevanceaux (Charente-Maritime), et que E. Bodin (cf. 2.3.1) appelle « la révolution de Donnezac » où l’on a craint le rétablissement de la dîme, et qui souleva la population du sud de la Saintonge et du Cognaçais.
Ce
quatrain a été « retrouvé dans l’ancien grenier des Buards à
Capron », à St-Paul de Blaye ; rapporté, sans références, par
M. Jadouin ainsi que J.-L. Buetas qui en proposent deux versions
légèrement différentes et où s’opposent quelés
et thiellés, il n’a pu être
vérifié :
Tous quelés ghens d’éguise
Mangh’rant jhusqu’à nout’
quitte chemise ;
Encouer’ serions-nous bin contents
S’y s’étranyiant en la mangheant.
Variante : Tous thiellés
ghens d’éguyise
...
[Traduction : Tous ces gens d’église
Mangeront même notre chemise ;
Encore serions-nous bien contents
S’ils s’étranglaient en la mangeant.]
L’abbé Belloumeau
est né à Cavignac en 1811 et décédé à La Ruscade en 1878 ; c’est dans
cette dernière localité, d’où sa famille paternelle était originaire et dont il
fut curé pendant trente-cinq ans, qu’il a rassemblé les éléments linguistiques
et archéologiques qui constituent ses Notes
sur La Ruscade et son Dictionnaire ;
ce mémoire de 450 pages est présenté en 1863 à l’Académie impériale des
Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux (dont il est la propriété), et
sera récompensé par la médaille d’or. Belloumeau est le contemporain de Jônain
dont le dictionnaire paraît six ans plus tard : le curé de La Ruscade
a donc écrit le premier dictionnaire saintongeais.
Il s’est
également investi dans la vie rurale, et il nous fait les témoins de ses
efforts pour généraliser la culture de la luzerne, introduire de nouvelles
variétés de légumes dans les jardins, ou inciter les enfants du catéchisme à
élever des lapins et planter des arbres fruitiers.
Sa
méthode de travail, très actuelle, est basée sur la collecte d’informations
directes auprès des anciens et non sur la compilation des publications
existantes. Grâce à cela, on possède de précieux exemples de la littérature
orale populaire qui sont certainement les plus anciens textes gabays connus. En
voici un exemple, une belle prière paraliturgique recueillie, donc, au début du
XIXe siècle.
(Selon le
système de Belloumeau, j = jh ; digrammes soulignés : cl = cll
ou ky, pl = pll ou py.)
Patenoute de pitié
La Sainte Vierje qu’al est si belle !
Sa petite anje passe davan elle
La salue révérentement.
S’en va treuver moussieu saint Jean :
« Moussieu Saint Jean doure venez-vous ?
Son qu’ vou avez vut disez-m’ zou.
‑ Je vins d’ mon souverain salut.
‑ Avez-vou vut mon fi Jésus ?
‑ L’ai vut, mon Souveurt et mon Roué,
Cloué sus l’âbre de la Croué,
Ses pieds pendants ses mains jougnants,
Son corps tout couvert de son sang.
Les Jui’ enrajés l’avan prit,
Sus l’âbre de la Croué l’avan mit. »
La Sainte Vierje y accourit ;
Quand a vit son cher fi, pleurit.
« Qu’avant-i fait à moun enfant
Que je le vouët couvert de sang ?
‑ Ne pleurez pâs ma chére mére,
Je baille mon sang peur mes fréres. »
Thelle ouraison qui la dirat
Soun âme en Dieu la souverat,
Fouirat la chambre d’ la damnâtion
Qu’al est pu négr’ que le charbon.
[Traduction de l’abbé
Belloumeau : Prière.
La Sainte Vierge, qui est si belle !
Son petit ange passe devant elle,
La salue respectueusement,
Et s’en va trouver monsieur saint Jean.
« Monsieur saint Jean d’où venez-vous ?
Ce que vous avez vu, dites-le moi ;
‑ Je viens de mon souverain salut.
‑ Avez-vous vu mon fils Jésus ?
‑ Je l’ai vu, mon Sauveur et mon Roi,
Cloué sur l’arbre de la Croix,
Ses pieds pendants ses mains jointes,
Son corps tout couvert de son sang.
Les Juifs enragés l’ont pris,
Sur l’arbre de la Croix ils l’ont mis. »
La Sainte Vierge y accourut ;
Quand elle vit son cher fils, elle pleura.
« Qu’ont-ils fait à mon enfant
Que je vois couvert de son sang ?
‑ Ne pleurez pas, ma chère mère,
Je donne mon sang pour mes frères. »
Cette oraison qui la dira
Son âme en Dieu sauvera,
Fuira la chambre de la damnation
Qui est plus noire que le charbon.
L’abbé
Belloumeau donne aussi ces vers, qu’il ignorait avoir été extraits d’une élégie
du Manuscrit de Pons datant de 1737 (Départ,
pièce VII) puis « gavachés ».
(Pour
Belloumeau, j = jh, er = eur, en = eun.)
Les Regrets d’in faignant
O n’est poin à tort que je me chégrine
Car ’ai bin perdut, perdant ma mérine !
Quand a me vouïait a m’ pernait au cou,
A m’ biquait ous euils, m’ disant : « Mon fillou,
Pendant que t’es jéne, apprends vitement
A lire l’Escriture et le Testament ;
Tu galopes trot, va don à l’école ;
Je t’aimerai ben, vas-y don, mon drôle !
Ou ras de chez touë o y at in réjent
Qu’est in vrai boun homme et qu’est bin savant. »
Mais mouë j’aimais trot à m’ bailler des quergnes
Et à gasouiller, à d’rober des pernes !
Si j’ l’avais créïut, bin sûr et çartain,
Saurais-b’ in p’tit lire le grou et le fin ;
S’rais-b’ segrétain à vrépe, à la messe !
Mais je n’ seu qu’in sot, o faut qu’ j’ou confesse.
[Traduction de l’abbé
Belloumeau : Les regrets d’un paresseux.
Je ne me chagrine point à tort
Car j’ai bien perdu, en perdant ma marraine !
Quand elle me voyait elle me prenait au cou,
Elle me baisait sur les yeux et me disait : « Mon filleul,
Pendant que tu es jeune, apprends vite
A lire l’écriture et les livres.
Tu galopes trop ! Va donc à l’école,
Je t’aimerai bien, vas-y donc, mon enfant !
Tout près de chez toi il y a un maître d’école
Qui est un homme bon et qui est bien savant. »
Mais moi j’aimais beaucoup trop à me battre,
A gasouiller (sic), à
dérober des prunes !
Si je l’avais écoutée, bien certainement
Je saurais lire dans tous les livres ;
Je serais, moi, sacristain aux vêpres et à la messe !
Mais je ne suis qu’un sot, il faut que je l’avoue.]
Le récit qui suit est révélateur 1° des
légendes nées des guerres de religion (un historien serait plus critique que
l’abbé, refuserait les « biscaïens », sorte de tromblons, comme
anachroniques, et serait surpris de la date : « 17e siècle ») ;
2° de l’influence de la paronymie (Camplat
devient le camp où les
protestants furent battus à plat) ;
et 3° de la méthode de collectage de l’abbé (« plusieurs vieillards
m’ont raconté » ; « textuel ») :
[La
bataille de Camplat]
De la place du marché, on voit une
éminence située dans la commune de St-Marien, que l’on nomme le Camplat. Là ont campé les troupes
protestantes après le sac de l’église de La Ruscade. Ce fut là aussi
qu’elles ont été défaites par les troupes catholiques qui étaient campées au
village de Guyard. Je tiens cette tradition de mon père né au village de
Guyard.
Quatre combats ou batailles ont été
livrés sur le territoire de La Ruscade : trois aux Trois Peyres, le
dernier à l’église même de La Ruscade. Voici ce que plusieurs vieillards
m’ont raconté :
Après avoir saccagé les églises de la
Saintonge, les protestants se dirigèrent par Bédenat sur La Ruscade. Les
troupes catholiques les attendaient aux Trois Peyres. À la première attaque les
protestants s’emparèrent du village (l’inspection des lieux et les anciens
régistres des actes religieux prouvent que le village des Trois Peyres était
considérable autrefois) ; ils furent repoussés au second ; le
troisième leur ouvrit le chemin de La Ruscade. Ces combats se succédèrent
si rapidement que les habitants des Trois
Peyres furent obligés de virer trois fois leur casaque pendant le temps que
l’on met à pétrir trois boisseaux de farine (textuel).
Un certain nombre de catholiques se
réfugia dans l’église, décidés à la défendre jusqu’à la dernière goutte de leur
sang. Ils y furent tous massacrés. Maîtres de l’église, les protestants en
démolirent les voûtes et la façade et rasèrent le clocher. Le vieux sacristain
Lalande m’a dit que, lors de son entrée en fonction en 1806, il avait trouvé
dans le clocher plusieurs biscayens que l’on avait recueillis après le siège de
l’église. Les enfants, m’a-t-il dit aussi, s’en sont amusés et les ont perdus.
La dévastation de l’église de
La Ruscade fut le dernier exploit et le dernier triomphe des protestants
de la Saintonge dans nos contrées. Ils furent battus « à plat » au Camplat et se dispersèrent. Ces combats
ont eu lieu au 17e siècle.
Citons
enfin ces vers qui se chantaient sur un air de danse à quatre temps, qui
évoquent l'immigration des travailleurs saisonniers et leurs conditions de
travail ; rapportés par l’abbé Belloumeau, ces couplets étaient très
répandus en pays gabay (ils sont également cités par Pierre Siré, cf.
2.3.3) :
Le Chant des Penauds
En Gabacherie et dans le Blayais, on donne le nom de Penauds aux gens de la Saintonge qui
vont faire les vendanges en Gascogne.
Les praubes Penauds, bouni-jens,
Manjant point d’anjilles,
Manjant des sarpents, bouni-jens,
Routis d’sus la grille.
Allan en vendanjes
Peur gaigner cin sous,
Couchant d’sus la paille
Peur attraper des pouils.
[Traduction de l’abbé
Belloumeau :
Les pauvres ‘penauds’, bonnes gens,
Ne mangent point d’anguilles,
Ils mangent des serpents, bonnes gens,
Rôtis sur le gril.
Ils vont en vendange
Pour gagner cinq sous,
Ils couchent sur la paille
Pour attraper des poux.]
Le Dictionnaire de l’abbé Belloumeau est en
cours d’édition.
L’abbé Urgel
est né à Coutras en 1876 et mort au Barp en 1947 ; il a été le curé
d’Anglade de 1919 à 1940 et y a laissé le souvenir d’une forte personnalité,
mais c’est dans tout le Blayais qu’il a accumulé les éléments d’un important
dictionnaire inédit, dont la rédaction semble dater des années 1930. Ce Glossaire de langue gabache, d’une
grande précision, occupe quatre gros cahiers ; « La Gabacherie :
un domaine respectable dans lequel on trouve des mots en or », écrit-il.
Juste
deux exemples :
Fougher (verbe neutre) : 1. Piquer de tête, tomber (surtout tête en avant),
plonger ; 2. Fouir, fouiller avec son nez comme les porcs, creuser en
poussant, chercher à tâtons. Ex. : Les
cheunes foughant dans l’ bourrier, les gorets foughant dans la mousse, les
taupats foughant dans l’ garet, les gormands foughant dans la marmite, les
q’nailles, avec leû dets, foughant dans leû nez.
[Les chiens fouissent dans les ordures, les cochons fouissent la
mousse, les taupes fouissent la terre labourée, les gourmands fouissent dans la
marmite, les enfants, avec leurs doigts, fouissent dans leur nez.]
Patilloux, -se (adj.) : pointilleux, pas commode à mener, difficile à contenter, et
aussi : d’une exécution
délicate. Ex. : Ranger in reloghe,
ol est patilloux ; Venter est mais patilloux que battre au fiâ ; Ol
est pas ine ouvraghe patillouse. Dans l’autre
sens : Thieux chevau est patilloux
en diabe ; Y a pas in marchand mais patilloux.
[Réparer une horloge, c’est
délicat ; vanner est plus difficile que battre au fléau ; ce n’est pas un travail minutieux ; ce
cheval est farouche ; il n’y a
pas de marchand plus pointilleux.]
Parfois,
l’abbé Urgel écrit des petits textes, véritables mises en scène visant à
illustrer certains termes particuliers :
Vocabulaire : la noais.
La noais, frut dau nougher, s’appeule itou calais. Dès qu’a
couminçant à caillotter, on les challe et on les sarre toutes décaillotées dans
le piancher. Pour ènougheler ou ènougailler, on espère l’hivar et on se groupe
à plusieurs familles. Quand vint le jhour des énoaîsaghes, on détroume le
nougeau ou nougaillon en cassant les coques avec un marteau de boês.
Naturellement on dévire les que sont burottes, caillebottes ou échaudaillées.
Puis on les meune parcher. Le résidu se noume pain noughat.
[Glossaire :
noais, calais : noix
nougher : noyer
caillotter : se détacher du brou
challe : (on) gaule
sarre : (on) range
décaillotées : dont le brou est ôté
piancher : grenier
ènougheler, ènougailler : retirer la noix de sa coque
énoaîsaghes : action d’ôter la noix de sa coquille
détroume : (on) ôte
nougeau, nougaillon : amande de la noix
burottes : creuses
caillebottes : gâtées
échaudaillées : échauffées (moisies)
parcher : presser
pain noughat : tourteau, marc de noix.]
Abbé
Urgel
Carte des deux Gabacheries
(inédit)
Originaire
de Maransin (canton de Guîtres), James Chauveau a mis en consultation sur
Internet un Petit Dictionnaire basé
sur un carnet de mots gabays relevés par sa mère :
aillan : gland du chêne. – Quate gouttes d’eau dans une coquille
d’aillan : se dit quand on n’utilise que très peu d’eau.
beurnicacer, busoter, nijhasser : lambiner,
avoir l’air de travailler sans travailler vraiment.
bouzit : ver de terre. – Coupeur de bouzits : paysan.
douil : grande cuve en bois pour
transporter la vendange de la vigne au pressoir. – Huit jhours sous in douille, tu zou mangherais : pour inciter
un enfant à manger : s’il avait passé huit jours sans manger (sous un douille), il mangerait ce qu’on lui présente !
épurguer : ébrancher les petits rameaux
latéraux. – Jh’allons épurguer do vime.
gueille : étoffe (souvent usagée). – Faudrait p’têt ben changher tielle gueille
de bonde : il faudrait sans doute changer ce tissu de bonde.
François
Bodin, dit Emile Bodin, est né à Abzac en 1869 et mort au Pont de la Maye
(Bordeaux) en 1923. Instituteur, notamment à St-Savin, puis journaliste, on lui
doit quelques récits d’inspiration locale dont le plus connu est Le Roman de Jacques Bonhomme ;
« la caractéristique de ces ouvrages, d’une lecture coulante et agréable,
qui ont pour théâtre des coins délicieux du Pays gavache et pour personnages
les obscurs habitants de ces sites peu connus, est l’emploi fréquent de
locutions et de mots patois du crû, qui augmentent le charme du récit »
(G. Musset, Notice biobibliographique
du Glossaire, tome II).
Justin
Pastoureau, dit Jambe-de-Bois pour avoir perdu sa jambe à Austerlitz, espèce de
libertaire qui crie « Vive la République ! » au passage de
Napoléon à Cavignac en 1809 (« ‑ L’Empereur est-il
républicain ? ‑ Mais oui, petit, tout comme moi... »),
fait l’éducation politique de son jeune voisin Jacques Bonhomme :
Le Roman de Jacques Bonhomme.
Chapitre XI : L’Arbre
de la Liberté
Mon vieil ami Jambe-de-Bois me disait souvent :
Ça ne va plus, Jacques Bonhomme ! ça ne va plus ! Les
nobles et les bourgeois sont redevenus les maîtres. Comme d’ancienneté, pendant
la messe et les vêpres, ils font fermer les auberges, et le bon laboureur qui
veut boire un coup n’a qu’à tirer la langue. Pour moi, ce n’est pas
juste ; chacun doit être libre d’aller à la messe ou à l’auberge.
- Ça c’est vrai, bonnes gens.
- C’est encore comme pour les élections ! Dans mon jeune
temps, sous la Révolution, tout le monde votait. Mais, au jour d’aujourd’hui,
il n’y a que les riches qui ont ce droit. Pour voter, sous Charles X, il
fallait payer 300 francs d’impôts ; à présent, il faut en payer au
moins pour 200 francs. Les nobles et les gros sont encore les
maîtres !
- Sans doute, sans doute ; mais ça a toujours été ainsi
et ce sera toujours pareil. Les gros mangeront les petits jusqu’à la fin du
monde. Il faut se faire une raison.
- Toutes ces injustices n’existeraient point s’il y avait une
bonne République ; mais je suis trop vieux pour la revoir.
(...)
Vers le commencement de 1848, mon ami, qui s’arrangeait toujours
pour savoir les nouvelles avant les autres, arriva chez nous en criant :
« Vive la République ! » Puis il se mit à chanter :
Allons enfants de la Patrie...
« Veux-tu bien te taire ! que je lui dis. Malheureux, si
l’on t’entendait !... ( )
- Vive la République, Jacques Bonhomme ! Les Parisiens
ont renversé Louis-Philippe pour faire la République.
- Pas possible !
- C’est comme j’ai l’honneur de te le dire. Je viens du
Gabriolon ; le valet de ville, Jules Tapinaud, l’a dit à tout le monde.
Mais le voilà qu’arrive avec sa caisse. »
Et, en effet, c’était Jules Tapinaud, qui se mit aussitôt à jouer
du tambour : Ran plan plan ! ran plan plan plan ! En entendant
tous ces ran-plan-plan, les gens de Jappeloup sortirent de leurs maisons.
Alors le tambourinaire parla :
« Citoyens et citoyennes ! Le citoyen Cadet Garsaud,
notre nouveau maire de Saint-Savin, vous fait salut et fraternité. Il vous
apprend à tous que le tyran Louis-Philippe a chu par terre et que la République
règne partout en France. Il invite tous les citoyens landous à crier avec
moi : Vive la République ! »
(...)
Quelques jours après, on planta, au bourg de Saint-Savin, un Arbre
de la Liberté, un joli petit chêne gros comme le bras. Pour le faire pousser,
on l’arrosa, bien comme il faut, avec une barrique d’eau. Cadet Garsaud, notre
nouveau maire, était là avec son écharpe tricolore qui lui barrait le ventre.
Puis le curé bénit l’Arbre de la Liberté et chanta des cantiques. Quand il eut
fini, Jambe de Bois dit :
« Et maintenant, citoyennes et citoyens, avec la permission du
citoyen Cadet, nous allons tous chanter la Marseillaise :
Aux armes citoyens... »
Après, Cadet Garsaud cria : « Vive la République
française, une et indivisible ! » et tout le monde répéta avec lui,
même M. le curé qui était un brave homme :
« Vive la République française, une et
indivisible ! »
(...)
Tous les jours que le bon Dieu faisait, Jambe-de-Bois allait voir son Arbre de la liberté ; c’était
lui, en effet, qui l’avait arraché tout seul dans les pinières.
« Jacques Bonhomme, ça va bien, disait-il en se frottant les
mains. Notre Arbre de la Liberté est pris ; les feuilles poussent ;
il en a déjà une bonne demi-douzaine. C’est un bon signe pour la
République. »
Mais un beau dimanche, après la messe, mon Justin Pastoureau arriva
à la métairie en pleurant comme un drôle :
« Qu’as-tu donc, mon pauvre vieux ?
- Ah ! mon cher ami ! C’est un grand malheur qui me
crève le cœur. Un chétif gars, la nuit dernière, a coupé au pied mon Arbre de la Liberté. C’est comme
s’il m’avait coupé la barre du cou. Demain, je serai mort. »
Et il recommença à crier. J’essayai de le consoler par des paroles
d’amitié ; mais rien n’y fit. Il tremblait de tous ses membres. Je lui
dis :
« Va te coucher ; tu as la fièvre. »
Je l’emmenai dans sa demeurance et je le mis au lit, ainsi qu’on
fait à un petit drôle. Je lui fis une bonne rôtie au vin, en lui disant :
« Mange, ça te fera du bien. »
Il essaya, mais ne put rien avaler. Voyant que ça allait mal, je
dis à Justine d’aller quérir le médecin. Quand [il] arriva, mon pauvre ami ne
faisait que déparler. Il se levait sur son séant, jetait les draps par terre,
en disant :
« Ce chétif gars a coupé mon arbre ; je veux me lever
pour lui passer mon grand sabre à travers le cœur. Vive l’Empereur ! Vive
la République ! A bas Louis-Philippe ! »
[Le médecin] me dit à l’oreille :
« Il n’y a rien à faire : il est perdu. Ça le tient dans la tête. Demain, il sera mort. »
Je veillai mon ami toute la nuit et j’avais toutes les peines du
monde à le faire rester couché. Au matin, il s’assoupit et fit un petit
sommeil. Puis il reprit son bon sens et me dit d’une voix toute changée :
« Jacques ! Jacques ! Je vois la Mort qui vient
d’entrer ; mais je meurs content, parce que j’ai revu la
République... »
Poète
français publié, Alexia Jean-Jousson, née en 1904, a aussi laissé une œuvre
gabaye inédite. Maurice Jadouin dit d’elle « qu’elle a fidèlement
transcrit le langage des Landous » et qu’elle n’a pas voulu
« s’exprimer en un saintongeais plus classique qui [aurait eu] l’avantage
de pouvoir être publié dans Le
Subiet ».
Ce serait
justice de sauver et de donner au public cette œuvre dont le ton agreste et
juste tranche agréablement sur une production patoisante volontiers graveleuse
- registre douteux que dénonçait déjà Belloumeau.
(Ce texte
n’a pu être vérifié.)
Langage d’ine beurgère de cheu nous
Dépeu qu’ mon paur’ cheun est quervé,
Jhe n’ peux pû r’tenit mon bétiaire.
Tantoû dan l’avouène d’à coûté,
Tantoû dans l’ bespagne de Jean-Pierre,
Y s’en dounant beun à thieur jhoê,
Si beun qu’ ma qu’neuille est teurjhou piène :
Qu’o seye dans l’ pré, dans l’ champ, dans l’ boê,
Jhe n’ peux pûs brocher mes bas d’ laine.
Savant beun que l’ chin n’est pûs là
Peur veiller à gauche le champ d’ seille
Et garder l’ grain qui pousse en bâs,
Tant qu’au lavour jhe rince mes gueilles...
Et la Rouge, qu’avait tant d’ poûr
Quant mon poëlu jappait darrière,
S’est mise à fouir peur m’ jhouer in tour
Jhusque dans la lande des R’nardières.
Vouéla beun que pendant thieu temps
Ma Bianchette et ma vieille Beurtoune
Manghïant la veugne au père Gontran
Et les monjettes de la P’titoune !
Cousin Jean-Pierre, fort heureusement,
S’ mit à courit amprès la Roughe ;
In’ mouche a dû l’ piquer lî-tout :
V’la t’y pas qui m’ teurchit des noêses
Et voulit m’ prendre ine bise dans l’cou
Tout en m’app’lant sa « p’tite Françoèse » !
Jhe n’ pouvais pûs l’ faire en aller :
Il a reusté toute la ressière.
(...)
[Traduction : Paroles d’une bergère gabaye.
Depuis que mon pauvre chien est mort,
Je ne peux plus tenir mes vaches.
Tantôt dans l’avoine d’à côté,
Tantôt dans le maïs de Jean-Pierre ;
Elles s’en donnent à cœur joie,
Si bien que ma quenouille reste toujours pleine :
Que ce soit dans le pré, dans le champ, dans le bois,
Je ne peux plus tricoter mes bas de laine.
Elles savent bien que le chien n’est plus là
Pour surveiller à gauche le champ de seigle
Et protéger le grain qui pousse en bas,
Pendant qu’au lavoir je rince mes vêtements.
Et la Rouge, qui avait tellement peur
Quand mon poilu lui aboyait après,
S’est mise à fuir, pour me jouer un tour,
Jusque dans la lande des Renardières.
Voilà que, pendant ce temps,
La Blanchette et ma vieille Bretonne
Ont mangé les haricots de la Petitoune !
Cousin Jean-Pierre, fort heureusement,
A couru après la Rouge.
Une mouche a dû le piquer lui aussi
Car il se mit à me taquiner
Et voulut me prendre un baiser dans le cou
Tout en m’appelant sa « petite Françoise » !
Je ne pouvais plus le faire partir :
Il est resté toute la soirée !]
Né en
1900, bâtonnier de l’Ordre des avocats à la cour d’appel de Bordeaux, Pierre Siré
a évoqué dans Le Fleuve impassible,
paru en 1980, les souvenirs de son enfance dans l’île Verte où son grand-père
était régisseur - petite île de l’estuaire d’où il « devinait le Bec, là
où se rejoignent les deux rivières, celle de Bordeaux et celle de Libourne, qui
confondent leurs eaux dans la mer de Gironde ».
Il
raconte, dans une langue relevée de mots gabays, son apprentissage de la
différence :
Le Fleuve impassible.
Chapitre XI : Racines
Les enfants de l’île étaient peu nombreux. ( ) Je retrouvais
pourtant, pendant les périodes non scolaires, quelques compagnons qui
pratiquaient avec moi les jeux simples et passionnants que mes petits-enfants
connaissent mal : les billes (nous disions « les marbres » et nous en
faisions commerce, une « agathe » valant deux « marbres »),
la berthole (deux bâtons inégaux, le plus grand servant au lancement du plus
petit qu’il fallait, autant que possible, toucher plusieurs fois dans la même
volée), les toupies (que nous appelions « cibots » et fabriquions
nous-mêmes avec un morceau de bois taillé en poire et traversé d'un long clou).
Toutefois les gamins de mon âge ne m’accueillaient pas dans leur cercle sans
quelque réticence. Non parce que j’appartenais à un milieu un peu moins
populaire, ce qui n’avait aucune importance à leurs yeux ni aux miens. Mais
parce que, n’ayant pas leur accent d’oc, j’étais un « gavache » et un
« ventre rouge ».
Pour les gens de langue d’oc le pays de « Gabay » ou
« gavacherie » est celui du parler d’oïl. Il y eut peut-être
autrefois - les historiens en disputent - des transferts de populations de
langue d’oïl en pays d’oc d’où seraient issues quelques enclaves. Dans nos
villages, la frontière a été et demeure fixée, depuis des siècles, autour de
Blaye. Cette frontière n’est pas seulement linguistique : elle sépare deux
ethnies dont les mœurs respectives sont fortement typiques. Dans ma jeunesse,
aux yeux de ceux qui parlaient d’oc, le « gavache » était, par
définition, un être méprisable. Mon vieux Littré est tout à fait du même avis.
( )
Il est en tout cas bien sûr qu’en pays d’oc l’accent d’oïl a
toujours été mal aimé. En 1294, quand Philippe le Bel, par ruse féodale,
réussit à occuper Blaye (pendant quelques mois) et Bordeaux (pendant neuf ans),
l’un des prétextes invoqués fut que nos aïeux tuaient les gens ayant l’habitude
de parler français. Pour faire bonne mesure, l’un de ces méchants, dont le
ventre était sans doute très rouge, avait été coupé en quatre et ses morceaux
jetés à la rivière. Point de remords, du côté des exécuteurs, car ils avaient
conscience d’appartenir à une civilisation supérieure. Pour m’ôter d’un doute à
ce sujet, les jeunes « îlois », parodiant l’accent d’oïl et me
faisant les cornes, chantaient un refrain que je n’ai pas oublié :
Les Saintonjheais, boun’jheant
Y manjheant point d’anguilhes,
Y manjheant d’la sarpant
Rôti dessus la grilhe...
C’est ainsi que, dans l’île de ma mère, j’ai fait la connaissance
du racisme.
L’œuvre
de Pierre Bouyé, d’inspiration sensible, récompensée tant en français qu’en
saintongeais (prix de l’Académie de Saintonge en 1966), n’a jamais été
rassemblée. Zivat d’ Bonthieur
est né en 1893 à St-Palais où il est mort en 1973 ; il se soucia aussi de
sauver le patrimoine non-écrit, et transcrivit des airs à danser appris de vieux
musiciens.
La langue
de cet auteur, ubiquiste, n’est pas particulière au pays gabay.
Voici un
rondeau délicatement teinté (rapporté sans références par J. Dubourg, qui
n’a pas su reconnaître la forme du rondeau) :
L’hivar va revenit
L’hivar va revenit anvec son manteau bianc.
Ol est déjha novembe et jh’ai l’âme chagrine
De vouér se dépouiller là-jhaut sûs la colline
Les abres vour des nics sacaghés pendillant.
La campagne a pr’dut son aspect si riant :
Pû de fieurs, pû d’osias aux bouéssons d’aubépine
L’hivar va revenit anvec son manteau bianc.
Ol est déjhà novembe et jh’ai l’âme chagrine.
Et le seir, évoquant les biâs jhours en veillant
Les orteils au fougher que la fiambe illumine
Jh’entends le pient dau vent douère de ma thieusine
O mouille et n’on dirait que les chouses braillant.
L’hivar va revenit anvec son manteau bianc.
[Traduction :
L’hiver va revenir avec son manteau blanc.
C’est déjà novembre et j’ai l’âme chagrine
De voir se dépouiller là-haut sur la colline
Les arbres où restent des nids dépeuplés.
La campagne a perdu son aspect si riant :
Plus de fleurs, plus d’oiseaux aux buissons d’aubépine.
L’hiver va revenir avec son manteau blanc.
C’est déjà novembre et j’ai l’âme chagrine.
Et le soir, évoquant les beaux jours, à la veillée,
Les orteils contre le foyer que la flamme illumine,
J’entends, de ma cuisine, la plainte du vent dehors ;
Il pleut et on dirait que les choses pleurent.
L’hiver va revenir avec son manteau blanc.]
Sonnet (communiqué,
sans références, par E. Nowak) :
Martine et Michel avant écrit-au
Pèr’ Nou-el
(à dégouèser pr’ lei p’tits)
Pepa Nou-el, tout d’ bian vitut,
Nous apport’râs-tu, thiette an-née,
Dei z-éteurnes, en la cheminée
Vour jhe saqu’rons noûs bots pointus ?
O t-en faura dei gamiounée,
D’hasard – n’en vouélà n’en veux-tu –
Mais jhe te preit’rons nout’ mistu
P’r t’ajhider dans ta tôrnée.
Pepa Nou-el, toué jhuste et bon,
Goûjhe de jou-ets, de bonbon,
Le qu’naîlle raisounab’ye et saghe…
Mais thieû-là qui s’ra pâs megnon,
Baill’-z-y de l’ail ob’ de l’égnon :
O z’y f’ra l’ moral, au pâssaghe !
[Traduction : Martine et Michel ont écrit au Père Noël
(à dire par les enfants)
Papa Noël, tout de blanc vêtu,
Nous apporteras-tu cette année
Des étrennes, dans la cheminée
Où nous mettrons nos sabots pointus ?
Il va t’en falloir, des chargements –
En veux-tu en voilà !
Mais nous te prêterons notre âne
Pour t’aider dans ta tournée.
Papa Noël, toi juste et bon,
Comble de jouets et de friandises
L’enfant raisonnable et sage…
Mais celui qui n’est pas gentil,
Donne-lui de l’ail ou de l’oignon :
Ça lui fera le caractère !]
Dans ce
texte, Claudine Bastisse (1932-2003), de St-Palais, évoque le début de la journée
de son grand-père, avec la rituelle « routie au vin », de façon très
réaliste.
La langue
de cet auteur, quoiqu’elle ne soit pas exempte de quelques gallicismes, est
bien localisée (calouner :
jeter ; fezique :
coloquinte, gourde ; lit à
langes : lit à baldaquin ;
sabourer : déguster, etc.) :
La jhornée d’un paisan rescapé
d’ 14-18
Quand Ferdinand chézait des balins d’ son lit à langes, il
enfilait ses thiulottes, mussait dans ses grous bôts bourrés d’ paille, et
rin d’ pu pressé, y sortait douère peur s’ foutre la teite d’souc un
carrot d’ève qu’il att’nait do pouè. Emprès, en allant dâller au coin
d’ la fousse à fumier, y r’gardait en l’air vouère si ol allait faire biâ
temps ; atout y s’ foutait ine pincée d’ tabâ à priser dans les
creux d’ son musiâ, s’ qui l’ fazait étarnuer plusieurs fouès
d’ rang. Suite de thiéllés orimus, y r’venait en charriant un fagot
d’éssarments souc son bras, peur éprendre son feut dan l’ fouget ;
suite de thieu, il att’nait sa cass’role thiulottée qui pendillait au vess’liè,
y zi foutait ine boun’ rascade [sic]
de pinar qu’il avait tiré au douzille dans ine fezique, la veille au
souèr ; envec sa pointe de coutâ, y s’ fazait grâller des rondelles
de pain d’ six livres. Dès qu’o y avait un p’tit de braise, y mettait thielle
cass’role de vinasse su des tisons qu’i tiragnait sû l’ coutè, quand o
bouillassait y zi callounait six mourciâs d’ sucre, zou versait bin vite
dans ine gamèle déjobrée qu’il avait ramenée d’ Salonique, et y copait
thieu pain roti là d’dans. Emprès zou avouèr sabouré fumant,
y s’ tapait d’su la piâ d’ l’estoumat, rotait un bon cot, et
s’en allait au chiar à ine boune centaine de mètres dans un coin d’ son
jardin. En sortant, y s’ rethiulottait durant un chéti moument :
fallait qu’il enviroune sa longe ceinture de flanelle rouge autour d’ ses
reins…
[Traduction :
Quand Ferdinand sortait de son lit , il enfilait son pantalon,
chaussait ses gros sabots bourrés de paille et, rien de plus pressé, il se
mettait la tête sous une cuvette d’eau qu’il tirait du puits. Après, en allant
pisser au coin de la fosse à fumier, il scrutait le temps pour voir s’il ferait
beau, et il reniflait une prise de tabac qui le faisait éternuer plusieurs fois
de suite. Ces cérémonies respectées, il revenait en portant un chargement de
sarments sous le bras pour préparer son feu dans la cheminée ; puis il
prenait une casserole culottée accrochée au vaisselier, il y versait une bonne
rasade de vin qu’il avait tiré au fausset, la veille au soir, dans une gourde
en courge ; il faisait rôtir des tranches de pain de six livres piquées à
la pointe de son couteau. Dès qu’il y avait un peu de braise, il mettait sa
casserole sur des tisons qu’il tirait sur le côté, et quand le vin commençait à
bouillir il y jetait six morceaux de sucre, le versait aussitôt dans une
écuelle vaguement rincée qu’il avait rapportée de Salonique, et il taillait le
pain grillé dedans. Après s’en être régalé, il se tapait sur le ventre, faisait
un rot sonore, et se rendait aux cabinets, qui étaient au moins à cent mètres,
dans un coin du jardin. En sortant il se reculottait, et cela durait un bon
moment parce qu’il se ceignait les reins de sa longue flanelle rouge.
(Paru dans la presse ;
communiqué, sans références, par Eric Nowak.)
Habitant St-Ciers, au cœur du Pays Gabay occidental,
Eric Nowak (né en 1964) a apporté à l’étude des parlers la minutie et la
rigueur de sa formation universitaire de naturaliste. Son sens du contact
humain, dont profitent ses élèves et leurs parents, et sa connaissance du
terrain en font un efficace collecteur de données qu’il met au service de la
Gavacherie.
On lui doit plusieurs études et opuscules, parmi
lesquels on remarque Tsiganes saintongeais, pour l’intelligence et la générosité de son approche
sociolinguistique, ou encore, rigoureusement documentés, La langue de
Goulebenéze, et Légendes
fantastiques Charentaises et Gabayes.
Voici quelques extraits d’un autre ouvrage, Légendes
et Comptines d’Animaux en Nord-Gironde,
où abondent les récits recueillis directement auprès des informateurs et
fidèlement transcrits :
Ine belète (une belette) :
Une belette traversant votre chemin n’est pas un bon présage.
Ainsi en Pays Gabaye : « Ha ! la belète. Quant’
o pâssét ine belète, qu’a vous traveursét la route devant vous, si vous
étiez en charète folét fère atencion d’ pâ renveursé. Si a traveursét
devant vous, qu’a traveursét l’ cheman’, on disait ça (o portét
maleur san ète maleur, mé enfin…) : ‘Tu feras atencion de pâ renveursé,
t’as vu la belète !’ »
(Recueilli en 1994 à St-Caprais-de-Blaye.)
Ine chavéche, in chavan (une
chouette) :
En Pays Gabaye et dans les Charentes, le chant de la chouette est
interprété comme le présage d’une prochaine naissance ;
Ainsi à Boisredon, « i disant que la fame ét enceinte quante
la chouette chante. Maintenant, faut qu’o séye dan le vilajhe », et non en
rase campagne.
De même à St-Caprais, « alore quante on l’entendèt, la
chouette, on disét : ‘Té ! y aura in drôle avant lontan’ !’ »
A St-Palais on nous précise les choses : « Et quand une
chavéche chante dan un vilajhe, ol ét qu’y at une femme enceinte. Une journée,
jh’arrivion dau bal, jh’entendon quélé chavéche qui chantét dan qués dariéres.
‘Oh, jhe dis, y at une fame enceinte, méfions-nous !’ En effet ol ét la
voisine : en arrivant dau bal le voisin ll’ avét fét in drole. Et dès
la fabrication dau drôle… Ah ! quant quélés chavéches chantiant, dau
diablle, quélés chavéches ol anoncét qu’ine fuméle étét enceinte ! À la
fabrication o s’anoncét, le diablle ! Ah oui, ét pi ça o zi fét,
hein, attention ! »
(Recueilli en 1994 à St-Palais.)
In escorpion, in sourd (une
salamandre) :
En Pays Gabaye, grande est
l’appréhension vis-à-vis de cet animal pourtant inoffensif. Son nom ‘escorpion’
montre d’ailleurs à quel danger on pense être exposé en sa présence :
« Faudrait pas trop se faire piquer de ça » ;
« Les parents disaient : ‘Minfiez-vous de quéle saloperie !
Tuez-la ! pace que si o vous pique ol ét mortel !’ »
(Recueilli en 1994 à St-Ciers et St-Palais.)
Le dar :
Belloumeau, à propos de ce serpent, disait déjà en 1863 :
« Dart, serpent dont tout le
monde parlait autrefois et que nul n’a jamais vu. Il a un mètre de longueur, est
gros comme un bouton de roue de charrette et peut se tenir sur l’extrémité de
sa queue ; d’un bond il franchit neuf sillons. Sa morsure est mortelle. Il
se tourne avec tant de peine que l’on peut lui échapper facilement en faisant
des circuits. »
[Je retrouve ailleurs le fait que le dart se mette debout : « i se mate »
(Bourg) ; qu’il saute plusieurs sillons : « Y en avait qui
en ont vu sauter sept sillons à la fois ; mais moi je l’ai jamais
vu… » (St-Palais).]
Par contre, je ne trouve plus trace de morsure mortelle mais plutôt
d’une capacité à étouffer ses victimes : à St-Palais on le redoutait car
« ça pouvait entourer » ; à St-Ciers-sur-Gironde
« i mord pas ; i s’enroulera putôt pour vous
étouffer »…
Mais ce n’est pas tout : je trouve aussi d’autres dires sur
cet animal que Belloumeau n’avait pas consignés : à St-Christoly existe
une croyance selon laquelle « on dit que les femmes doivent faire
attention ; c’est un serpent qui s’intéresserait aux femmes ». Dans
le sud-Blayais on dit aussi qu’il se pendent par la queue par cinquante dans un
chêne pour frayer.
À Boisredon : « Alors le dar, i disent que ça monte
dans les arbres, que ça siffle, et que ça vous tombe dessus et ça vous étouffe.
La légende ici a couru d’ailleurs que chez X y avait un dar qu’était énorme,
qui faisait trois mètres de long, je ne sais pas combien, enfin c’était
épouvantable. Et Z, i croyait vraiment qu’ i-s avaient un dar qui se
mettait d’ailleurs dans leur paillasse… I pensaient vraiment que ce dar
i buvait leur lait, tout ça… Et on avait très peur de laisser les enfants
au coin des champs, dans les berceaux, parce qu on disait qu’on avait trouvé
des enfants avec le dar rentré dans la gorge ,en train de lécher le lait
qu’était dans l’estomac » ; « on dit que les couleuvres, enfin les
dars, comme ils les appellent, là, peuvent venir téter les bêtes qui ont du
lait, vaches ou chèvres… »
(Avec
l’autorisation de l’auteur.)
A treize ans, Tony Martin, de Braud-Saint-Louis,
« le P’tit Gabaye » comme il le dit lui-même, est certainement, avec
son « biog », le plus jeune auteur gabay actuel (adresse en bas de
page) : « Ol'
est bin vrai qu'en quateure-vingt-dix-neuf, ol' avait bin buffé. Ol' avait
tombé des arb'e peurtou, les hangars étiant teurtou arrachés, enfin ol' était
l' délughe. Dans thieu moument là, jh’avis cinq ans. »
Il n’a pas moins de difficultés à se situer géographiquement que les autres Gabays : « Moé, jh' habite dans l'ancien pays Gabaye, donc aneut Haute Ghironde. Jh' habite dans l' canton d' St-Ciers sus Ghironde » ; Pierre Bouyé (cf. 2.3.4) disait au sujet de cet enclavement : « Les géographes nous ont "enfargés" », entravés ; ils ont mis les fers aux Saintongeais de Gironde.
Et difficulté à se situer linguistiquement : « Prr' le mot "Charentais", ol' est pasqu' les ghens, i qu’neussant qu' tieu mot prr' définir tieu patoés, ol' était prr' qu’i zou compreniant meu. Mais ol' est quand mime vrai qu'ol' est pas terib', alors jh' zé enl'vé » ; « Pis de fait, dépeu l'aut' mail qu' vous m'avez envoyé, jh'ai réfléchi : "d'au ‘charentais’ en Ghironde" … Mais quand jh' parlons coumm' tieu à St-Ciers, i nous répondant tieu : "T'es Charentais toi". Alors jh' zeu aspique quoé. Tieu, ol' est in peu démoralisant » (courriels des 12 et 15.06.08 à propos de l’expression "Charentais de Gironde").
Le blog de
Tony Martin est consacré à la vie et au cadre quotidiens : « Jh'avons des aspeurghes, d'au vin et
quéqu' poéssons ». Dans les deux extraits qui suivent, il rapporte
l’évolution du monde agricole :
(Orthographe, traduction et photo de
l’auteur-blogueur.)
Le jhon.
Le jhon, ol' est d' l'harbe qui pousse dans
des endrets humides. Les marais d'au Blayais, ol' est tout s' qu'o faut.
Les marais étiant tout pien d' champ d' jonc. Les anciens s'en
sérviant prr' plier la veugne (les ancien
disiant pyéjher). Asteur,
jh' plions la veugne anvec d'au pistique [sic] anvec d'au fil de fer d'dans et jh'avons juste à
apuier sus un bouton. Mais aut'foés, o fallait fair un nœu à chaque late.
Mais avant d' les mett' sus les lates, o fallait les feur sécher.
[Le jonc c'est de l'herbe qui pousse dans les endroits humides. Les
marais du Blayais, c'est tout ce qu'il faut. Les marais étaient pleins de
champs de jonc. Les anciens s'en servaient pour plier la vigne. Maintenant, on
plie la vigne avec du plastique et du fil de fer dedans, et on a juste à
appuyer sur un bouton. Mais autrefois, il fallait faire un nœud à chaque latte. Mais avant de les mettre sur les
« lattes » (1), il fallait les faire sécher.
(1)
La « latte » est le sarment
qui reste après la taille.]
I cope d'au jhonc.
Les marais.
Aut'foés, les gens aviant teurtous des vaches.
L'hivar, les vaches pouviant mangher d' l'harbe dans les prés. Mais l'été,
quand l'harbe est à sec, et ben i z'am'niant zeu vaches dans les marais.
Et pis l'été, et ben o fallait faucher l'harbe dans les marais. Alors
i restians dans l' champ : i z'aviant ine petite maison, in
hangar et ine étabye. I réstiant prr' faucher et tirer les vaches. Ol'
était d'au travaille. Mes grands parents faisiant d' mime. Jh'avons
encourd le batiment et l' champ.
[Autrefois, les gens avaient tous des vaches. L'hiver, les
vaches mangeaient de l'herbe dans les prés. Mais l'été, quand l'herbe est à
sec, et bien ils amenaient leurs vaches dans les marais. Et puis l'été, eh bien
il fallait faucher l'herbe dans les marais. Alors ils restaient dans le champ,
ils avaient une petite maison, un hangar et une étable. Ils restaient pour
faucher et « tirer » les vaches. C'était du travail. Mes
grands-parents faisaient comme ça. On a encore le bâtiment et le champ.]
En 1779,
le philologue Jacques Le Brigant utilise une traduction de la Parabole de l’enfant prodigue (Evangile
selon saint Luc, XV.11) pour ses études celtiques ; depuis lors, ce texte
a été abondamment traduit et retraduit en divers parlers, et a souvent servi
aux dialectologues. Parmi eux, Edouard Bourciez, professeur de langues et
littératures du Sud-Ouest à la faculté de Bordeaux, a lancé en 1894 une vaste
enquête portant sur les dix départements d’entre Océan et Garonne (plus la
Dordogne) : il a adressé à tous les instituteurs une version de cette
parabole, fortement adaptée par lui afin de produire un maximum de données lexicales
et grammaticales, avec prière de la traduire et d’y ajouter des remarques. Au
finale, il eut 4 444 réponses qui, malgré les faiblesses inévitables à
cette méthode de recherche, restent une mine et parfois le seul document
accessible pour le parler d'une localité donnée.
C’est le
cas de la partie orientale de la Grande Gavacherie qui, au contraire des
régions de Blaye et St-Savin, offre, dans l’état actuel des recherches, fort
peu de documents utilisables.
Cette
traduction de la Parabole de l’enfant prodigue, cotée 313 au recueil de
Bourciez, est due à L. Berger, instituteur de Lussac. Elle est d’une très
grande qualité linguistique (toutefois, pour les besoins de ces pages, quelques
gallicismes ont été remplacés par des mots venus de traductions voisines). Le
texte, reproduit ici avec ses notes marginales, est suffisamment connu pour ne
pas nécessiter de traduction.
Parabole de l’enfant prodigue
Un’ houme n’avait que deux fi. Le pu jéne dissit à son p’pa :
« O l’est temps que je seye mon maître et que j’aye de l’argent.
O faut que je peuche m’en aller et que je vouéche dou pays. Partagez
voutre beune et dounez-meu ce que je dét avouére. ‑ Oui, mon fi,
dissit le p’pa. K’me te voudras. T’es un (pas
de liaison) méchant et te seras punit. » Peû i-l-ouvrit un tiran,
i partagit son beune et n’en fit deux traus pareils.
Petit de jour après, le mauvais fi s’en allit dou village en fesant
le fiérot et sans dire adieu à presoune. I traveursit baico de landes, des
bouais, des rivières, et venit dan une grande ville onte i dépensit tout
soun argent. Ou bout de quoque mouais i deguit vendre ses habillements
à d’une vieille femme et se logit pr’ éte valet :
i l’envoïyant ou champs p’r’ y garder les bétiaires.
Alors i fit beune malhureux : i n’oguit pû de lit
pr’ dormi la neut, ni de feut pr’ se chauffer quand o fesait
fret. I-l-avait quoque cot si grand faim qu’i-l-aurait beune mangé quié (ou tié ; ce mot se rend par une
articulation composée de qu et de t ; la prononciation du mot est aussi rapprochée
de quié que tié mais n’est exactement ni l’un ni l’autre) feuilles de choux
et quié (ou tié) fruts pourrits que
mangiant les gorets, mais presoune ne l’y dounait reu.
Un desére (prononcez decére),
le ventre vide, i se laissit tomber sû un selo, aregardant pr’ la
crouaisée les osais que voliant seurgement. Peû i voyit parétre dans le
ciel la lune et les ételles et dissit en criant (pleurant) : Là-bas, la maison de mon p’pa est pleine (cet l se prononce ill) de domestiques qu’avant
dou pain et peu dou vin, des eûs et doû fremage tant qu’i-n’en voulant ;
pendant quieu (ou tieu) temps, moué
je mours de faim iqui (qui : voir
l’observation plus haut). Eh bé je m’en vas me lever, j’érai trouver mon
p’pa et je l’i dirai : « Je fis-be un peché quand je voulis vous
quitter ; j’oguis grand tort et faut que vous me punissez, j’ou sais-b’.
Ne m’appelez pû vout’ fi, traitez-meu k’m’ le deurgnier de voû valets. Je fis
copable (l mouillée,
prononcez : co-pa-b-ille), mais je sechais loin de vous. »
Le p’pa était dans son jardrin, finissant d’arrouser ses
bouquets ; i visitait les poumiers et les rasins. Quand i voyit
venî sû le chemin son fî tout capelé de sieur et de poussière, trénant la
jambe, i pouguit à peine oû crére. I s’ demandit s’o folait qu’i le
punissîsse o qu’i l’y pardounîsse... Enfin avec des grimes dans les œils,
i l’y parit les bras et, se jitant à son cou, l’y dounit un grous baiser (on dit plutôt : i le biquit beune
fort).
Peû i fit assiter son fi, i sounit ses gens et les
vouésins : « Je veux l’aimer k’m’ avant, le pauv’ drôle, l’s’i
dissit-i dès qu’i fïyant assemblés (l mouillé).
I-l-a été prou punit, que presoune à c’t’houre ne l’y fache ouquin reproche.
Venez le vére, portez-l’i vite un joli gilet, mettez-l’i une bague ou dé et des
souillers neû ou pieds. Vous pourrez étou prendre des jaux, des canards et
mener un vedai bon à tuer : j’allons bouère, manger ensemble (pron. en-sem-b-ille) et faire une
grande ribote. »
Les valets obéissïyant à loû maître et mettiyant une belle nappe sû
la table (l mouillé). Ou même
moument, le fî le pu vieux arrivit de la chasse avec ses chuns.
« Qu’est-ou don quieu (ou tieu) brut,
se fit-i en jurant, je cré que vous-aut’ chantez iqui (voir l’observation plus haut) ! O n’est pas trop léou que
je revinge. Sez-vous fou, mon p’pa ?
‑ Non mon fî, je n’ou seus pas, répounit le vieux. Si je
fais quieu (qui : voir l’observation
plus haut), o-l-est que je seu plein (l mouillé)
de jouaie. Je chantons et je son hureux, car j’avons beune de qué. Que t’oû
veuche o non, o faudra que te chantes toué-tou et que te t’amuses avec
nous autres, pass’ que ton frère qu’était mort est revingut à la vie. O-l-est
k’m’ s’i venait de naître ; hier i-l-était peurdu, aneu le volà
retrouvé. »
Le canton
de Saint-Aulaye, en Dordogne, est l’extrémité orientale de la zone gabaye.
Voici, à titre d’illustration, quelques phrases de la Parabole de l’enfant
prodigue traduite à La Roche-Chalais (n° 4296 du recueil de
Bourciez) :
Quoques jours aprés, quieu
méchant garnement quittit le village en fasant l’homme d’importance et sans
faire sarviteur à presounne. Y traversit des landes, des boués, des rivières,
et arrivit dans t’ine grande ville onte y dépensit ben vite tout son airgent.
Au bout de quoques moués, y deyit vendre ses guenilles à d’ine vieille femme et
peu se louer peur être doumestique ; on l’envoyit aux champs des ânes et
des bœufs.
La langue
de Chenaud, localité située dans la marche linguistique, est déjà de l’occitan
bien que l’on y reconnaisse encore le gabay ; l’instituteur qui a assuré
la traduction parle lui-même de « patois mitigé » (n° 4290 du
recueil) :
Le pér etio dans son jardri,
finissan d’arousâ sâ flour : ou visitio loû poumier et loû rasin. Quand ou
vi venî sû le chemi son fî tou couvêr de siour et de poussiére, treinan la
jambe, ou pouyi à peune zau creire. Ou se demandi si foullio qu’ou le punissî
ou qu’ou le pardounî. Enfin, avec lâ larme dan lous eû, ou ly tendi loû brâ et,
se jitan à son cô, ly douni un gros beisé.
On a
évoqué plus haut (§ 3) cette Parabole de l’enfant prodigue ; mais ici
il va s’agir de l’enquête nationale que le ministère de l’Intérieur a demandée,
en 1807, à Charles Coquebert de Montbret, afin de se faire une juste idée des
langues régionales au lendemain de la Révolution.
On en
possède deux versions en gavache du sud : Monségur et Lamothe-Landerron.
C’est le plus ancien écrit marot connu. Le texte traduit est, non remanié (au contraire
du support de Bourciez), le texte même de l’Evangile dans la version de
Lemaistre de Sacy.
Monségur
(versets 11 à 16) :
Un homme avait deu gouya,
don le pu jeune dissit à son pere : Mon pere, baillez-meu ce que je dioui
augere de voutre bien. Et le pere les y partagit son bien. Quauque tan après,
le pu jeune amassit tou ce qu’il avet, se n’anguit dan un pays bien louen onte
y mangit son bien en deybauche. Après qu’il auguit tou mangé, y veinguit
une grande famine dans quiou pays et y se trouvit dan la prauveté.
Y se n’anguit don et se boutti au service d’un des habitan dau pay, qui
l’envoyit à sa ferme per y garder ley gorrets. Iqui y l’auré bien voulut
sa refession des eycosses que ley gorrets mangian, mé digun ne ly en baillet.
Le Puy
(photo : Tourisme en Monségurais)
Lamothe-Landerron
(versets 17 à 19) :
Enfin étan revingut en
ly-même, i dicit : Combien gnat-ou pas, dans la maison de mon père,
de valet qu’avan dou pagn mê qu’i n’an pedan mangé, et moué je moure ici de fagn.
Je me leverê, j’erê ché mon père et je ly diraï : Mon père, j’ê peché
contre le ciel et contre vou. Je ne su pu digne d’etre apelé voute
ménage ; traté-mé coumme un de vou valet.
Cette traduction, d’une belle langue authentique, est citée par J. Dubourg sans références et n’a donc pu être vérifiée :
Noutre Pére qu’étéz ou ciél
Que voutre non sie santifié
Que voutre royaume nous avinge,
Que voutre volonté sie faite su la terre coume ou ciel.
Baillez-nou aneut noutre paing de cade jour
Et perdounez-nous nous offanses coume je les perdounon à lés qui
nous an offensés ;
Ne nous désséz pas succomber à la tentation
Mais délivréz-nous dou mau.
Ainsain seit-il.
Edouard
Bourciez, à la suite de sa vaste enquête de 1894-95, a affiné ses recherches en
Petite Gavacherie, région dont le parler l’intéressait particulièrement :
« Faisons observer que, grâce aux traductions [de la Parabole de l’enfant
prodigue], on peut espérer être enfin fixé sur la nature et l’extension des
patois gavaches » (Introduction au
recueil cité) ; il écrira d’ailleurs deux études de référence sur le
pronom démonstratif et la conjugaison en gavache.
Mais il
s’intéressait aussi à la littérature orale ; témoin cette chanson collectée
par lui en 1895, chanson dont plusieurs variantes sont connues en France :
l’abbé Belloumeau en donne une version sous le titre Le Gabay en touélette, et l’abbé Urgel la cite sous celui de Quand je saillis de mon villaghe.
(Orthographe
de l’informatrice, Mme G., de Monségur.)
Coure
j’allay vayre ma miye
J’avay un bê chapê de paille
Large et poueintu
Que me tombét jusqu’eyz eypales,
Lanturluru
J’avay un belle casaque
De fin droguét
Que ma mamé la prôve fame
M’avét filé
J’avay de bês dessur de chôsses
En pantalons
Que me prenian dampeû la taille
Jusqu’ey talons
J’avay de bês soulîs de vache
En cuir flamant
Que j’attachay tous ley dimanches
Véque un riban
J’avay une belle cravate
De fin coton
Que je lissay tous ley dimanches
Véque la quoue dou padelon
Coure me vezay dans thiel équipage
Thiey bês atours
Je me n’allay dans le village
Fêre l’amour
Coure j’eytay véque ma miye
J’eytay content
A ne fesét ren pûs que guettre
M’z habillements
Je li parlay de ma gorette
Et d’ mey gorets
A me disét que sa cabale
Avét dou lét
Je li parlay de ma chârrette
Et de mey beus
A me disét que sey poulettes
Pounian des eus !
Seconde chanson collectée par Edouard Bourciez à Monségur auprès de la
même personne, Mme G., mais d’un ton bien différent puisqu’il s’agit
de la conversion de sainte Madeleine : « complainte narrative
destinée à l’édification des foules, écrit-il ; ( ) morceau curieux,
mais dont le rythme est bien lâche, bien imprécis. ( ) Nous avons affaire
à un art des plus frustes, tout instinctif et d’allure populaire, quoique la
langue ne manque pas d’une certaine souplesse. ( ) Il se peut que [cette
pièce] ait été composée au cours du XVIIIe siècle ; il se peut
aussi qu’elle soit plus récente, qu’elle ait été répandue et adaptée au milieu
gavache seulement pendant la Restauration, vers l’époque où les missions
catholiques se multiplièrent à l’intérieur, sillonnant en tous sens les
campagnes. »
La conveursion de la Madeleine
(Marthe, seure de Marie-Madeleine, parle à sa seure :)
« À l’églîse y a arrivé
Un nouvê prédicateure ;
Allons-y don, ma chère seure,
Et de thieu bê seurmon
Je peurfiterons. »
La Madeleine reyponguit :
« Voû pas y aller.
J’estimeray mê eytére en danse
Véque un violon
Qu’à ton seurmon. »
Mariye-Marthe en se n’allant,
Jésus trouvant :
« Bonjoure, Sôveure,
O Rédempteure,
J’ê pas pouscut mener ma seure. »
« Mariye-Marthe, tornez-y
Et disé-li
Qu’à l’église y a arrivé
Deû bê Mousseu
Que voudrian la vayre et li parler. »
La Madeleine reyponguit : « Voû bien y aller ;
Baillez-meu mey bê cotillons,
Mey couayffes de linon,
Ma croué d’or, mey bagues,
Et peû partons ! »
Quand la Madeleine arrivit
Jésus preychét
Sû ley vanités doû monde ;
I parlét,
Le cœur de la Madeleine n’en fit touché.
Coure le seurmon n’en fit feni,
Jésus sortissit,
La Madeleine se levit
Tout en criant,
Tirant sa croué, sey bagues, et ley jitant.
Un bê Mousseu lh’a demandé :
« Qu’âs-tu à crier ?
‑ Ley plaisî doû monde fô renoncier ;
Oû désér fô se n’aller,
Dey racines sôvages fô manger. »
[Traduction : La
conversion de sainte Madeleine :
« À l’église est arrivé
Un nouveau prédicateur ;
Allons-y donc, ma chère sœur,
Et de ce beau sermon nous
profiterons.
La Madeleine répondit :
« Je ne veux pas y aller.
J’aimerais mieux aller danser
Avec le violon
Qu’à ton sermon. »
Marie-Marthe en s’en allant,
Trouvant Jésus [lui dit :]
« Bonjour, ô Sauveur,
Ô Rédempteur,
Je n’ai pas pu amener ma sœur.
‑ Marie-Marthe
retournez-y,
Et dites-lui
Qu’à l’église sont arrivés
Deux beaux messieurs
Qui voudraient la voir et lui
parler. »
La Madeleine répondit :
« Je veux bien y aller.
Donnez-moi mes beaux cotillons,
Mes coiffes de linon,
Ma croix d’or, mes bagues,
Et puis partons ! »
Quand la Madeleine arriva
Jésus prêchait
Sur les vanités du monde ;
Il parlait,
Le cœur de la Madeleine en fut
touché.
Quand le sermon fut fini,
Jésus sortit ;
La Madeleine se leva
Tout en pleurant,
Ôtant sa croix, ses bagues, et
les jetant.
Un beau monsieur lui a
demandé :
« Qu’as-tu à pleurer ?
‑ Il faut renoncer aux
plaisirs du monde ;
Au désert il faut aller,
Des racines sauvages il faut
manger. »]
[Source :
enregistrements sonores réalisés par J. Boisgontier et cahiers de
décryptage ; en cours d’inventaire, inédits ; droits réservés ;
propriété : Mme Jacques Boisgontier.]
En 1988
et 89, Jacques Boisgontier, ingénieur au C.N.R.S., a mené une campagne
d’enquêtes ethnolinguistiques en Petite Gavacherie. Il nous en reste des bandes
magnétiques, parfois accompagnées de leur cahier de décryptage, et des notes
éparses. Jacques Boisgontier est décédé peu après sans avoir exploité ce fonds,
et il est impossible de dire quelle forme il pensait donner à ces
recherches-là.
« Aco, cou est dou
gavache... »
Y avait le vieux monsieur L., le vieux noble, il parlait bien
le gavache. Alors moi j'étais tout gosse, i me prenait, pendant l'autre
guerre : « ‑ Te vais faire un tour avèque moé,
oui ? » Puis quand il revenait, il disait à la Marie : « ‑ Te
vais li douner une tartine, dou beurre peu de la confiture. »
Alors un jour, le temps montait moche : on s’était mis sous la
sapinette, il pleuvait : « ‑ Oh, je lui dis, je m’en vais
chez moé. ‑ Te vais te mouiller... ‑ Oh mais ! je
vais pas m’enveler ! »
Alors il avait raconté ça à tout le monde, à mon grand-père, a
dit : « ‑ Aco, cou est dou gavache... »
Il est envelé : chétif, pas développé ; une planche, vous
la mettez au soleil : ale est envelaïe.
(Récit enregistré à St-Ferme le 27.01.89.)
Le texte
qui suit est le récit, collecté à Neuffons et à St-Ferme, de la lessive à
l’ancienne. Parmi les tâches domestiques, le blanchissement du linge,
particulièrement éreintant, a marqué le souvenir des anciens, alors que la
lessive en poudre que nous connaissons n’existait pas et encore moins la
machine à laver ni même la lessiveuse ; c’était une opération importante
qui mobilisait le voisinage et ne se faisait, généralement, que deux fois par
an, ce qui explique les « quarante, cinquante draps », par
exemple ; entre temps, le linge était essangé, savonné.
(Ce récit
est graphié « à la française » pour en faciliter la lecture, sans
présumer de la forme finale que J. Boisgontier aurait donnée ; mais
nous savons qu’il préférait cette orthographe à toute autre.)
La bujaïe
Peur coumincer, fallait faire le lèyssi. Fallait garder toutes ley
cendres de chagne ; fallait pas de chatœgni pace que co tache le linge. Je
gardions aquéle cendre dans le séchoir, dans le balet. On en avait un grand
tas. Après, coure fallait faire la bujaïe, je grelejions. Alors je mœtions la
cendre en pilots, et après je grelejions aquéle cendre bien coume o faut, je
mœtions aco dans dey petits sats faits avec dey manches de chemises. Et alors y
avait une grande doulisse, que j’apelions. Alors je mœtions la cendre dans le
pèyro, avéque de l’aygue, à bouilli. Je fesions bouilli aquéle aygue peu queléy
cendres qu’étiont dans dey petits sats, peur faire le leyssi la veille de la
bujaïe. Le lendemain, fallait assiter la bujaïe : je mœtions qué linge
dans la doulisse, couche peur couche : lincéoux, chemises,
bouche-vaisselle, bouche-mains, et tout ce qui s’ensuit - la doulisse, iqui,
toujours en bois. Et alors après, coure noste aygue bouillait, je mœtions
avéque un grand padelon [bref segment
inaudible : bruits de chaise] ... y avait une grande couéte, on
prenait le léyssi dans le pèyro et non bouédait su le linge, toute la journaïe,
et torne et vire et en avant ! arrouser la bujaïe toute la journaïe... En
principe, cou éytait la mamé qu’arrousait la bujaïe. Et peu après, je sortions
tout aqué linge. Je zou mœtions tout dans de grandes banastres, et j’allions
rincer la bujaïe ou riou. Ley femmes alliant avéque ley vœsines.
I portiant le linge su le tombréou avéque ley vaches : ol y avait
tellement de linge, des quarante, des cinquante draps, des torchons, des
grosses chemises de dans le temps... Le riou, bien cimenté, avait été nestejaï
la veille ou l’avant-veille. A z aviant dey garde-geneuils garnis de
paille peur pas se mouiller. – Je sais pas si vous zou savez, mais au repas
d’enterrement i mœtiant jamais ni touaille ni serviettes pace qu’ale
ariant rœsté tachaïes.
[Traduction : La lessive.
Pour commencer, il fallait préparer la solution lessivielle. Il
fallait garder toutes les cendres de chêne ; il ne fallait pas de
châtaignier parce que cela tache le linge. On gardait cette cendre dans le
séchoir, sous le hangar. On en avait un grand tas. Après, quand il fallait
faire la lessive, on le tamisait. Alors on mettait la cendre en tas, et après
on tamisait cette cendre bien comme il faut ; on mettait ça dans des
petits sacs faits avec des manches de chemises. Et alors il y avait un grand
cuvier. Alors on mettait la cendre dans le chaudron, avec de l’eau, à bouillir.
On faisait bouillir cette eau et ces cendres qui étaient dans des petits sacs,
pour fabriquer le liquide lessiviel la veille de la lessive. Le lendemain, il fallait
« asseoir la lessive », disposer le linge sale : on mettait ce
linge dans le cuvier, couche par couche : draps, chemises, torchons à
vaisselle, essuie-mains, et tout ce qui s’ensuit - le cuvier était toujours en
bois, ici. Et alors après, quand notre eau bouillait, on mettait avec un grand
poêlon . . . il avait une grande queue, on prenait le liquide dans le
chaudron et on versait sur le linge, toute la journée, et tourne et vire et en
avant ! arroser le linge toute la journée... En principe, c’était la
grand-mère qui arrosait la lessive. Et puis après, on sortait tout ce linge. On
mettait tout ça dans de grandes corbeilles, et on allait rincer la lessive au
ruisseau. Les femmes allaient avec les voisines ; on portait le linge sur
le tombereau attelé avec les vaches : il y avait tellement de linge, des
quarante, des cinquante draps, des torchons, des grosses chemises de dans le
temps... Le ruisseau, bien cimenté, avait été nettoyé la veille ou
l’avant-veille. [Les femmes] avaient des protège-genoux garnis de paille pour
ne pas se mouiller. Je ne sais pas si vous le savez, mais aux repas
d’enterrement on ne mettait jamais ni nappe ni serviettes, parce qu’elles
seraient restées tachées.]
Gravure
d’après La Lessiveuse, de
J.-F. Millet (le Louvre)
On trouve aussi dans les enregistrements de Jacques Boisgontier quelques contes traditionnels (inédits ; même source) :
Les chapès à la broche
Tu n’as pas jamais entendu raconter pœr ton pére ou pœr ta mére,
beléou que si beléou que no, j’en si ré, le cot dou curé Armagnac ? Je
l’ai entendu raconter ou prove papé mais je me souvins pas trop…
Alors y avait une grande feyte ou Peu ; cou était la premiére
communion. Alors le curé dou Peu avait invité ses collègues à Monsegur et à
Dieulivol – et le de Mesterrieux avait été évité ; il aviant pas invité le
curé Armagnac. Alors i fit tellement vexé qu’ou moment de la grande messe
i se rendit à la cure dou Peu. La servante fesait queure à la broche un bè
piot bièn appétissant. « ‑ Je vins, dissit-i à la gouye, je
vins tirer une marie-jeanne ou fût que j’avons acheté ensemble. » La gouye
li indique la cave et le curé Armagnac se met en devoir de remplir sa
bouteille, sa marie-jeanne. Mais bienléou i s’écrie : « ‑ Vins
vite, j’ai cassé le dousill ! » La gouye arrive, il la priye de
mettre son dét ou traou pendant qu’il allait nen faire un autre. Pendant qu’a
barrait le traou de la futaille avéque son dét, le curé se rendit à la
queusine, sortit le piot de la broche et le remplacit pœr les chapès des troés
curés. Et i se n’anguit tranquillement tandiss que la cloche dou Peu
annonçait la fin de l’office. Et pardi ! je n’ai pas besoin de vous dire
que fit la surprise des autres curés coure il arriviriant, qu’i viriant les
chapès ou lieu de veyre le piot à la broche !
C’est vrai… Le curé Armagnac, je crois que c’est lui qui m’a
baptisée. Il desservait Neuffons.
(Recueilli à Neuffons le 5.02.08.)
[Traduction : Tu ne l’as jamais entendu raconter par ton
père ou par ta mère, peut-être que oui peut-être que non, je n’en sais rien, le
coup du curé Armagnac ? Je l’ai entendu raconter par le pauvre grand-père,
mais je ne me souviens pas trop… Il y avait une grande fête au Puy ;
c’était la première communion. Alors le curé du Puy avait invité ses confrères de
Monségur et de Dieulivol – et celui de Mesterrieux avait été évité ; ils
n’avaient pas invité le curé Armagnac. Alors il fut tellement vexé qu’au moment
de la grand messe il se rendit à la cure du Puy. La servante faisait cuire à la
broche un beau dindon bien appétissant. « ‑ Je viens, dit-il à
la fille, tirer une marie-jeanne
[: bouteille de deux litres et demi] au fût que nous avons acheté
ensemble. » La servante lui indique la cave, et le curé Armagnac se met en
devoir de remplir sa bouteille. Mais peu après il s’écrie : « ‑ Viens
vite, j’ai cassé le fausset ! » La fille arrive, il lui demande de
mettre son doigt dans la bonde pendant qu’il va tailler un autre fausset.
Pendant qu’elle fermait le trou de la futaille avec son doigt, le curé se
rendit à la cuisine, sortit le dindon de la broche et le remplaça par les
chapeaux des trois curés. Et il s’en alla tranquillement pendant que la cloche
du Puy annonçait la fin de l’office. Et pardi ! je n’ai pas besoin de vous
dire quelle fut la surprise des autres curés quand ils arrivèrent, qu’ils
virent les chapeaux au lieu de voir le dindon à la broche ! C’est vrai…]
Le curé Armagnac
Un dicton qu’i disait tabé, le curé Armagnac. Cou était le prove
papé que m’ou z-avait raconté aco tabé. I disait : « ‑ Ès
premières communions, coume aco, il allait don faire la bombe et peu il avait
un paou chalumé, i disait : ‑ Té, mon prove Léon, si tu
vesay aquelés bigotes coure je fais mon prayche, a criant, al écoutant mon
prayche coume si cou était les crottes d’une crabe que sortant de ma
gorge ! »
(Recueilli aussi à Neuffons le même jour.)
[Traduction : C’était le pauvre papé qui m’avait raconté cela aussi. Il disait… Aux premières
communions, comme ça, [le curé Armagnac] allait faire la bombe, et il avait un peu bu. Il disait : « ‑ Mon
pauvre Léon, si tu voyais ces bigotes quand je fais mon prêche, elles pleurent,
elles écoutent mon prêche comme si c’était des crottes de chèvre qui sortaient
de ma bouche ! »]
Le curé Armagnac, autre anecdote
L’histoire de tournebroche, c’était du temps de M. Armagnac,
qui était curé de Mesterrieux.
Il allait dans toutes les maisons, partout où on l’invitait !
Un jour il était allé manger, je sais pas à quelle occasion… C’était une
histoire de relevailles, je crois… Il avait mangé chez F., qui habitait en bas
de la côte. F., i passait au bourg et puis il disait au grand-père :
« ‑ Une patate grosse coume moun eyclot, i n’en fit qu’une
gorgeaye ! » [: une patate grosse comme mon sabot, il n’en fit
qu’une bouchée].
Le curé Armagnac, c’était un rude pour faire la noce !
(Enquête du 3.05.88 à Dieulivol.
Une variante du conte du
tournebroche, assez confuse, et d’ailleurs d’une écriture relâchée
difficilement déchiffrable, a été recueillie par J. Boisgontier lors de
cette même séance du 3 mai à Dieulivol : le repas a lieu cette fois à
St-Vivien et un gigot remplace le dindon. On apprend enfin lors de cette séance
que « le vieux tournebroche du Puy, jeté dans un tas de ferraille quand on
fit des réparations au presbytère, [a été] récupéré par M. C., réparé, et
aujourd’hui en service aux Martinauds ».)
Le joueur de violon et le loup
Cou éytait le pére Grenouilleau que venait de jouer dòou violon à
la Gageante, òou chatéou de la Gageante. Peu il avait l’habitude, quand il
avait fini de jouer, de manger òou coin de la queusine : i li
douniant ley restes dòou repas, et i prenait quoques boucins, i ley
mœtait dans sa poche pœr ley porter à sa femme. Alors quand il oguit fait sa
petite provision, le voilà parti. I passit òou moulin de la Gageante. Il
arrivi à la [court segment inaudible].
Il entendit daré li un brut. I se virit et i vit deux œils que
lusissiant : cou éytait le loup. « Ah ! i dissit, si cou éy
le loup, va falouér se sorti d’iqui ! » Et alors i se mœti à marcher,
mais le loup éytait toujours daré à le sigre. Alors i se dissit :
« Attends ! je vais li jiter un petit boucin de viande, et peu
pendant qué temps, je me tire d’iqui. » Et le loup i mangit la
viande, mais il éytait encore iqui. Et atau troués cots, quatre cots, cin cots…
i jitait toujours sa viande mais le loup était encore iqui. Alors à un
moment douné, i passait ou mitan des arondes, y a n aronde qu’atrapit la
corde dòou violon, peu co fit un brut que fit pou òou loup, co fit “brrinn”. Le
loup pranguit pou et le voilà parti. I se fichit le camp, apeu non le vit
pu. Alors le père Grenouilleau disait : « Eh bé dis don ! si
j’avais sogu, je t’orèy jougué un air de rigodon peu j’orèy gardé le fricot pœr
la Marion ! »
(Recueilli le 12.04.89 à St-Ferme ; l’informatrice « tient
ce récit de sa grand-mère paternelle, née en 1850, illettrée. Elle s’était
apprise à écrire quand ses enfants sont allés à l’école, et elle écrivait comme
dans le journal, en caractères d’imprimerie. » Il existe de nombreuses
variantes de ce conte très répandu.)
[Traduction : C’était le père Grenouilleau qui venait de
jouer du violon à la Gageante, au château de la Gageante. Et puis il avait
l’habitude, quand il avait fini de jouer, de manger dans un coin de la
cuisine : on lui donnait les restes du repas, et il prenait quelques
morceaux, il les mettait dans sa poche pour les porter à sa femme. Alors quand
il eut fait sa petite provision, le voilà parti. Il passa au moulin de la
Gageante. Il arriva à la [. . .] Il entendit du bruit derrière lui.
Il se retourna et vit deux yeux qui brillaient : c’était le loup.
« Ah ! dit-il, si c’est le loup, il va falloir se sortir de
là ! » Et alors il se mit à marcher, mais le loup était toujours
derrière lui à le suivre. Alors il se dit : « Attends ! je vais
lui jeter un petit morceau de viande, et puis pendant ce temps, je me tire de
là ». Et le loup mangea sa viande, mais il était toujours là. Et ainsi
trois fois, quatre fois, cinq fois… Il jetait toujours sa viande, mais le loup
était encore là. Alors à un moment donné, il passa au milieu de ronces :
il y a une ronce qui accrocha une corde du violon, et cela fit un bruit qui fit
peur au loup, cela fit “brrinn”. Le loup prit peur et le voilà parti. Il ficha
le camp ; après on ne le vit plus. Alors le père Grenouilleau
disait : « Eh bien dis donc ! si j’avais su, je t’aurais joué un
air de rigodon et j’aurais gardé le fricot pour Marion ! »]
(Avec
l’autorisation exceptionnelle de Mme Jacques Boisgontier.)
(Ordre
alphabétique :)
- Almanach des laboureurs, Bordeaux 1778, in : Jouyneau des Loges, Remarque historique sur la Gavacherie près
Bazas ; Société royale des
Antiquaires de France, tome I, 1817 ;
‑ Archives historiques du département de la
Gironde, tome 12, 1870 [chartrier de Blaye : p. 1 à 20 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k34111g/f19.pagination] ;
‑ Atlas
linguistiques de la France, de l’Ouest, de la Gascogne ; points
d’enquête : St-Savin, Abzac/Les Peintures, St-Vivien de Monségur,
St-Ferme, Andraut ;
- Jean-Marie
Belloumeau, Notes sur la commune et
succursale de La Ruscade, suivies d’un Dictionnaire français-gabay et
gabay-français, 1863, manuscrit, en cours d’édition ;
- [Jacques
Besse], Le Manuscrit de Pons, éd.
Jacques Duguet, 1970 ;
- Emile
Bodin, Le Roman de Jacques Bonhomme,
s.d. [1913] ;
- F. Bossy,
Pour une Approche linguistique des
Gavacheries, mémoire de D.E.A., Bordeaux 1978 ; polycopié ;
- Edouard
Bourciez, La Conjugaison dans le Gavache
du sud, in : Revue des universités du Midi,
1896 ;
- E. Bourciez,
Le Démonstratif dans la Petite Gavacherie,
in : Mélanges de philologie romane et d’histoire littéraire offerts à
Maurice Wilmotte, 1910 ;
- E. Bourciez,
Deux Chansons gavaches, in : Mélanges de linguistique et de littérature offerts à Alfred Jeanroy,
1928 ;
- [E.
Bourciez et correspondants], Recueil des
idiomes de la région gasconne, 1894-95, 17 volumes in-folio
(Bibliothèque universitaire Bordeaux 3) ; § 196-312, 4290-4301 ;
- Robert Boutruche,
Les Courants de peuplement dans
l’Entre-deux-Mers, étude sur le brassage de la population rurale, in : Annales d’histoire économique et sociale, tome 7, 1935 ;
- Bulletin de la Société d’Anthropologie de
Paris, 1861, tome II, fasc. ¼ [lettre de L. Dutruch] (cette
référence n’a pas été vérifiée) ;
- abbé
Caudéran, Dialecte bordelais, essai
grammatical, 1861 ;
- H. Clouzot
et A. Farault, Dictionnaire des noms
de rues de Niort, 1931 ;
- Coquebert
de Montbret, Mélanges sur les langues,
dialectes et patois, renfermant ( ) la Parabole de l’enfant prodigue en
cent idiomes ou patois différens, 1831 ;
- Joan
Coromines, Diccionari etimològic i complementari de la Llengua catalana,
1986 ; § gavatx ;
- Maurice
Jadouin, Les Gabayes : qui sont-ils ?
; s.d. [1992] ; préface de Johel Coutura ; polycopié ;
- Pierre
Jônain, Dictionnaire du patois
saintongeais, 1869 ;
- P. Larousse,
Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle,
1866-79 ; § gavache,
gavacherie ;
- E. Littré,
Dictionnaire de la langue française,
1863-73 ; § gabaï ;
- F. Mistral,
Lou Tresor dóu Felibrige, s.d. [1878] ; § gavach et sq., gavot et
sq., gavoutaio et sq. ;
- Georges
Musset & alii, Glossaire des
patois et des parlers de l’Aunis et de la Saintonge, 1929-1948 ;
- E. Nowak,
Légendes et comptines d’animaux en
Nord-Gironde, 1996 ;
- Ph. Queyron,
La "Gavacherie" de Monségur,
in : Revue de l’Agenais,
1907 ;
- Rolea, recueil de textes anonymes poitevins
du XVIIe siècle, éd. Pierre Gauthier, 2002 ;
- Pierre
Siré, Le Fleuve impassible, Julliard
1980 ;
- C. de Tourtoulon
et O. Bringuier, Etude sur la limite
géographique de la langue d’oc et de la langue d’oïl, 1876 ;
- Trésor de la Langue française ;
§ gavache ;
- Charles
Urgel, Glossaire de langue gabache,
s.l.n.d. [Anglade, vers 1930], manuscrit, à paraître.
http
http://tourisme-monsegur.fr/spip.php?rubrique3
http://www.estuaire-gironde.fr/
http://james.chauveau.free.fr/gabaille/habcdef.htm.
(J. Chauveau, Petit Dictionnaire de
gabaye.)
http://www.monpatoislegabaye.blogspot.com/(Blog
de Tony Martin.)
Ecrire gabaye avec un -e au masculin ne se
justifie aucunement, que le mot soit nom (« les Gabays de Coutras ») ou adjectif (« un mot gabay, une expression gabaye »).
Voici
l’orthographe officialisée par nos prédécesseurs et par les dictionnaires :
- Littré
(d’après Tourtoulon et Bringuier) : gabaï
(nom) ;
- Mistral
: gabai (nom) ;
- abbé
Belloumeau : gabay ;
- abbé
Urgel : gabaï ;
- Musset
: gabaï (qui n’est pas à son
entrée mais sub verbo gavache) ;
- Pierre
Siré : gabay ;
‑ Jacques
Boisgontier, dans son relevé des écrivains régionaux et des journaux, n’a
rencontré que : gabaï, gabay (nom et adjectif) et gabaye au féminin.
Enfin
écrire gabaille, comme on le voit
parfois, n’a guère de sens.
F. B.
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